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Association québécoise des critiques de cinéma

Jean-Philippe Gravel



J’ai passé j’ignore combien d’heures buissonnières à fréquenter le Ouimetoscope, le Cinéma de Paris et des salles commerciales oubliées, de nuits blanches à regarder en rafale ou en boucle des VHS de la Boîte noire, et quelques années à faire de la critique dans des fanzines ronéotypés, Cinératures et Le Nitrate, avant de passer au Ici (1997-2004) et à Ciné-Bulles pendant que je poursuivais mes études littéraires. Activités réparties aujourd’hui entre : l’enseignement, la traduction, l’écriture (dont celle d’un interminable pavé), la critique, la lecture (boulimique), l’essai et les hasards de la vie privée (évidemment). Les paris sont encore ouverts.

Quel est votre premier film marquant?

Sûrement La flûte à six schtroumpfs à 4 ans, au cinéma Outremont. On projetait déjà les dimanches des films au sous-sol d’une école primaire de ma banlieue, mais je préférais alors, et de loin, me tenir dans la cabine de projection, à regarder les bobines plutôt que les images. C’était une déception qu’un mur d’une hauteur de quelques étages prive de ma vue les projecteurs 35mm d’un « vrai » cinéma, du moins jusqu’à ce que les schtroumpfs apparaissent à l’écran. C’est donc à Peyo d’abord que je dois d’avoir enfin réparti mes fixations scopiques entre les images en mouvement et la machine qui les projette.

Quelle est votre première critique publiée?

Un assez mauvais article dans La Minerve du cégep de Saint-Laurent où Hook se faisait longuement démolir.

Quel est le rôle du critique de cinéma, selon vous?

La question vaudrait surtout d’être posée aux spectateurs (cinéphiles ou non) : en quoi leurs choix sont influencés, leur perception (du cinéma, des films) transformée, enrichie (on l’espère) à son contact; à quels auteurs ils doivent de mieux comprendre le cinéma en tant qu’art et en tant que phénomène économique et social. Le fait que « critique » ait la même étymologie latine que « crise » (criticus, crisis, connotant fortement la nature décisive de quelque chose) rappelle qu’elle n’est pas là pour rabâcher les idées reçues, tant s’en faut. Truffaut a été un grand critique décisif : « Une certaine tendance du cinéma français » est un exemple de texte polémique qui crée un précédent pour ce qui est de mettre en crise non seulement la perception, mais aussi le développement d’une pratique artistique. En fait, quelle que soit la posture qu’on y adopte, notre pratique veut que les œuvres soient d’un impact plus décisif que ce qu’il nous arrive d’en dire et un critique n’est peut-être rien mieux qu’un diariste qui relate plus ou moins à chaud et en public les hauts et les bas de ses dangereuses liaisons avec le septième art. Et qui, aujourd’hui, se porte à la défense d’une espèce de cinéma menacée parce que reléguée à un parc de quelques salles de quelques centaines de places. Le critique de cinéma aujourd’hui n’a sans doute pas d’influence sur les entrées des multiplexes qui sont nommés d’après des banques, mais peut-être en a-t-il sur ces grands et moins grands films que présentent des salles de plus en plus petites et en marge, rappelant que, dans ces lieux-là, le cinéma existe encore.

Quel est votre rituel d’écriture?

Il y a d’abord (après les recherches) une prise de notes plutôt désordonnée, où rien n’est exclu. Ces notes sont ensuite réécrites à la volée, d’un seul jet et en phrases complètes jusqu’à épuisement de la matière et résolution apparente de la plupart des problèmes rencontrés. Suspendre et laisser reposer un jour ou deux à la corde à linge, puis recalibrer le tout selon les exigences de forme et de fond les plus payantes possibles au temps de cerveau disponible que le lecteur postulé voudra bien accorder au résultat.

Fait amusant, la durée flexible du processus (de quelques heures à un mois) n’a pas d’effet sur la qualité aléatoire du résultat. On peut très bien écrire une bonne critique d’un seul jet en une heure que se casser la tête sur une mauvaise pendant des jours.

Quel est votre critique ou théoricien de cinéma préféré?

Question difficile. Jean Mitry (Esthétique et psychologie du cinéma) a été une lecture marquante comme le furent certains textes des Cahiers ou Positif rencontrés au bon moment. Le Voir des années 1990, où Georges Privet se démarquait (et où Richard Martineau était loin d’avoir fusionné avec Mr Hyde), fut chaudement débattu chaque semaine durant mes années étudiantes, et ce côté fédérateur de l’hebdomadaire culturel gratuit et inspiré me manque en cette ère numérique où il se publie peut-être davantage de critique (et même de la bonne) qu’il ne s’en lit. Mon attention se porte aujourd’hui aux écrivains intéressés par le cinéma. Don DeLillo (Players, Underworld) Susan Sontag (et ses essais sur Godard), James Baldwin (et son extraordinaire The Devil Finds Work) ou Philippe Muray (Essais) savent parler de cinéma en tant que miroir de la société dans une perspective globale, sans oublier Donald Barthelme, qui remplaça 6 semaines durant au New Yorker une Pauline Kael en vacances, ce qui nous valut la plus désopilante critique de Superman III jamais publiée.

Dans quel film aimeriez-vous vivre?

Soit dans une franchise (moins pour ses qualités que pour la promesse d’une vie éternelle), soit dans une scène explicite et folichonne passée en boucle, comme presque tout le monde.

Quels cinéastes voudriez-vous inviter au cinéma?

Aucun, ils sont tous égaux maintenant. (Et penser qu’un ami de Tarkovski l’a un jour invité à voir L’Enfer des Zombies de Lucio Fulci au cinéma alors que ce dernier était déjà malade me rend plutôt mal à l’aise.)

5 films internationaux préférés

City Lights
Citizen Kane
2001: A Space Odyssey
Le Sacrifice
Fanny et Alexandre
(la version longue)

Bonus : Blade Runner, Le charme discret de la bourgeoisie, Le Mécano de la générale, Out 1

5 films québécois préférés

Le Chat dans le sac
Les Plouffe
Jésus de Montréal
Léolo
Ceux qui font les révolutions à moitié n’ont fait que se creuser un tombeau

Bonus : Les ordres, À tout prendre, Pour toujours les Canadiens (celui-ci est une blague)

 

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