Cela devait être une délibération particulière pour cette édition virtuelle de Fantasia : à distance (COVID oblige) et expéditive (seulement 6 films en compétition : « c’est sûr et certain qu’il n’y aura pas de mention », ont lancé d’emblée les trois membres du jury). Il n’en fut évidemment rien. Surtout lorsque la situation permettait de se réunir sur une terrasse à un mètre de distance et que deux titres sortaient clairement du lot.
Après maints échanges, envolées argumentaires et joutes persuasives, le superbe My Punch-Drunk Boxer du Sud-Coréen Jung Hyuk-ki a été déclaré gagnant aux points. Voilà sans aucun doute l’œuvre la plus réjouissante de la sélection, accessible et intelligente, qui détourne les éléments classiques du film de boxe — les clins d’œil à Rocky sont légion — pour surprendre constamment.
Même si sur papier, à la simple lecture du synopsis, cette histoire de seconde chance ne payait pas de mine, le résultat fut tout autre. Finesse de la mise en scène (le premier plan s’avérait tout simplement éblouissant), dévouement des interprètes attachants, précision et authenticité du scénario : Johnnie To pouvait aller se rhabiller avec son décevant Chasing Dream, qui était également présenté dans cette édition.
Ce fut surtout l’occasion de s’initier à un réalisateur qui sera un jour grand et important. Bong Joon-ho ne fut-il pas découvert à Fantasia? Sans nécessairement prétendre au même destin, la maturité de son compatriote Jung Hyuk-ki laisse béat. Le trentenaire signe un second long métrage étonnant, véritable coup de cœur de la compétition.
Il était pourtant impensable de ne pas souligner le brio de Labyrinth of Cinema, chant du cygne du grand cinéaste nippon Nobuhiko Obayashi, décédé en avril dernier à l’âge de 82 ans.
Son testament cinématographique ne porte nullement le poids de son âge. Au contraire, il s’agit d’une création libre et imprévisible d’une jeunesse éternelle. Un chaos ludique et coloré qui va dans tous les sens, osant ce qui est généralement proscrit dans les cours de cinéma.
En plus de continuer sa réflexion anti-guerre (2020 représente le 75e anniversaire des bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki), le père du chef-d’œuvre culte Hausu offre un opus total, sur la littérature et le théâtre, mais surtout sur le septième art. Non seulement à peu près tous les genres cinématographiques japonais y sont abordés, mais une réflexion mélancolique — teintée de métafiction — sur le souvenir ajoutait une profondeur insoupçonnée à l’exercice.
Évidemment, le tout méritait d’être vu sur grand écran. D’une durée de trois heures, le récit amusant et éreintant à la fois, volontairement foisonnant et exubérant, demandait l’adhésion la plus totale, l’immersion dans la salle de cinéma. Il s’agit d’abord et avant tout d’un plaisir intellectuel et cérébral, aisé à admirer, mais peut-être plus difficile à adhérer totalement à la maison.
Entre l’irrésistible découverte d’un nouveau talent et la dernière fresque d’un maître, il fut encore possible cette année à Fantasia de célébrer des voix uniques, originales et audacieuses, dont My Punch-Drunk Boxer et Labyrinth of Cinema sont les plus récentes incarnations.
Membres du jury : Benjamin Pelletier, Marc-Antoine Lévesque, Martin Gignac