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Association québécoise des critiques de cinéma

Présentation du film Les Ordres

Présentation du film Les Ordres de Michel Brault, livrée par Pierre Pageau au public de la Cinémathèque québécoise en guise d'introduction à la projection spéciale du film Les Ordres, le 11 décembre 2013.

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Lors de la sortie du film, en septembre 1974, le critique de cinéma du Devoir, André Leroux, termine son texte en disant : "Les Ordres est l’un des  honneurs du cinéma québécois".  L’ensemble des critiques vont dans le même sens, de telle sorte que c’est à juste titre que Les Ordres s’est mérité le «Prix de la critique» (en fait le Prix du meilleur long métrage de l’année) décerné, pour la première fois en 1974, par l’Association québécoise des critiques de cinéma. Ensuite, au mois de mai 1974, le film se mérite le «Prix de la mise» en scène au Festival de Cannes.

Mais, pour faire ce film, si récompensé et reconnu, il a fallu quatre ans de démarches difficiles et de nombreux refus. Le premier scénario a été refusé par le Commissaire de l’ONF. Puis avec il n’a guère plus de succès avec la SDICC (organisme fédéral pour subventionner les longs-métrages canadiens).   Ce n’est qu'après une quatrième modification qu'il a reçu l’aide de cet organisme fédéral. Rappelons que Les Ordres abordent de l'intérieur la Crise d'octobre 1970 et la Loi des mesures de guerre qui s’ensuivit. Et, que dès lors, l’existence de ce film pouvait poser problème pour des autorités politiques qui préfèrent qu'une loi du silence s’impose sur leurs décisions douteuses au moment de la Crise d’octobre.

Pourtant, dans un texte que Michel Brault publie lors de la sortie de son film, il dit «Je n’ai pas voulu faire avec Les Ordres un film sur la crise d’octobre au Québec en 1970».  Il dit qu'il a plutôt voulu faire «un film sur l’humiliation».  Cette expression physique de l’humiliation passe beaucoup par le filmage particulier des visages de ceux qui sont humiliés. Michel Brault, chef opérateur exceptionnel, travaille ici de pair avec François Protat pour tirer le maximum aussi bien des noirs et blancs que de la couleur. Je retiens en particulier la scène où l’on voit Hélène Loiselle (l’épouse du Docteur Beauchemin) dans une voiture qui la mène en prison ; l’éclairage nous dévoile une partie, puis une totalité de son visage en pleurs, ravagée par l’injustice qui la frappe. Si le travail de caméra est exceptionnel, je vais aussi vous demander de porter attention à la bande sonore, en particulier en prison.  Le bruit des portes, celui des clés, des pas, des voix en sourdine, tout cela crée une symphonie de l’enfermement.

Donc, un film sur l’humiliation vécue par les victimes, un film sur le COMMENT cette crise a été vécue et non pas sur le POURQUOI ou même le POUR QUI, Plusieurs représentants de la gauche politisée québécoise ont fait ce reproche au film de Brault. Pourtant, il y a une citation de Pierre Elliot Trudeau au tout début du film pointe dans une direction bien précise. Et, la dernière réplique du film, par le Docteur Beauchemin, veut faire sonner une alarme : "Ce qui est important de comprendre c’est qu'il y a quelque chose de pourri en quelque part.  Faudrait surtout pas que cela se répande."

D’autre part tous les critiques ont bien noté le travail de distanciation opéré par Michel Brault, qui prend la peine d’identifier chacun des comédiens par leurs noms véritables avant d’en faire des représentants de ceux qui furent incarcérés, injustement, durant la Crise d’Octobre. Non seulement les comédiens s’engagent en faveur d’une victime (ou une représentation synthétique des victimes). Mais, en plus, Brault ajoute des commentaires, en voix off, sur les événements en train de se dérouler. Il faut savoir que l’ensemble des actions et des commentaires ont été élaborés à même les récits d’un certain nombre de victimes de la Crise d’Octobre. Ce qui fait ce film une "fiction documentée" et aussi un bon exemple du cinéma d’auteur engagé.

Pierre Pageau

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