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Association québécoise des critiques de cinéma

Hommage à Luc Perreault : AND LIFE GOES ON... - ​​​​​​​L’espoir au-dessus des ruines

AND LIFE GOES ON...
L’espoir au-dessus des ruines

par Luc PERREAULT

 

En partageant en mai dernier à Cannes la Palme d’Or avec Imamura, Abbas Kiarostami a donné l’exemple d’un cinéaste maudit qui finit par s’imposer par sa constance, sa fidélité à une certaine idée du cinéma et peut-être aussi grâce au coup de pouce de la critique, particulièrement la française.

Pour ce cinéaste iranien intransigeant, le succès — du moins à l’échelon international — n’avait rien d’évident au départ. Et Le Goût de la cerise, qui prendra l’affiche un de ces jours sur nos écrans, loin de déparer sa filmographie, confirme la rigueur de ce cinéaste doué.

Pour le moment, c’est un autre de ses films datant de 1992 qui prend l’affiche. Le Cinéma du Parc présente ces jours-ci le second film d’une trilogie. Entreprise en 1987 avec Où est la maison de mon ami?, celle-ci allait culminer en 1995 avec À travers les oliviers, l’avant-dernier long métrage de Kiarostami.

Présenté il y a quelques années 
au Festival du nouveau cinéma (sous le titre de ...Et la vie continue), And Life Goes On... renferme la quintessence de l’art de Kiarostami. C’est un road-movie aux apparences de documentaire qui a su dissimuler parfaitement les coutures servant à rattacher fiction et réalité.

Sur un décor de montagnes majestueuses et de campagne iranienne souriante, on assiste à l’odyssée du réalisateur d’Où est la maison de mon ami?, alter ego du vrai Kiarostami, parti avec son fils Puya pour retrouver, vivant si possible, le jeune interprète de ce film précédent (projeté récemment au Cinéma du Parc). Mais cette région vient d’être dévastée par un tremblement de terre. La petite voiture du réalisateur circule au milieu des ruines laissées par le désastre lequel, incidemment, avait fait plus de 50 000 victimes.

Comme dans toute quête, l’intérêt du film ne réside pas tant dans le résultat (le film se termine avant que le cinéaste retrouve le jeune acteur) que dans le voyage lui-même. Le thème, c’est la désolation, la mort, provoquée par la tragédie. Mais le message contenu dans le titre c’est que la vie, malgré tout, conserve ses droits.

On en a la confirmation avec ces vieillards, ces femmes et ces enfants que croisent au milieu des ruines le père et son fils. Il y a, entre autres, un couple que le séisme n’a pas empêché de se marier. Ou cet homme, pour capter la mondiale de football, qui installe une antenne de télévision au sommet d’une colline surplombant un village de tentes improvisé. « Ça ne revient qu’à tous les quatre ans », sert-il en guise d’excuse.

Au milieu de son errance, on est frappé tout à coup par le changement d’attitude du cinéaste. D’indifférent, son regard va devenir de plus en plus compatissant. On est surtout touché par le rapport qui s’établit entre les deux visiteurs et ces rescapés.

Le dialogue entre l’enfant et une femme éprouvée par la mort des siens est l’un des plus beaux qu’il m’ait été donné d’entendre. La sagesse qui sort de cette jeune bouche ne paraît nullement plaquée. Loin de cette curiosité morbide dont témoignent trop souvent nos médias, loin de cette pitié doucereuse ou de cette charité ostentatoire trop souvent de mise en de telles circonstances, leur présence en dit plus qu’un long discours.

Fascinant, le film de Kiarostami ne se laisse pas épuiser. Il pose aussi des questions sur le cinéma. Comme ce figurant encore scandalisé d’être apparu dans le film précédent du cinéaste plus vieux qu’il n’était en réalité. « Quel est cet art, dira-t-il, qui fait paraître les gens plus vieux qu’ils ne sont? » Le même sans doute capable de leur restituer leur humanité profonde.

 

AND LIFE GOES ON..., écrit, monté et réalisé par Abbas Kiarostami. Image: Homayun Payvar. Musique: extraits du Concerto pour deux cors de Vivaldi. Avec Ferhad Kherdamend (le réalisateur), Buba Bayour (Puya).

 

La Presse, samedi 10 janvier 1998, p. C2
© La Presse, 1998

 

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