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Association québécoise des critiques de cinéma

Hommage à Luc Perreault : Mémoires et souvenirs…

CINÉMA D’ICI

Mémoires et souvenirs…

par Luc PERREAULT

 

Photo : La Presse

 

En apparence, on serait porté à croire qu’il ne s’est rien publié d’important sur le cinéma chez nous cette année. Toutefois, à y regarder de plus près, l’inventaire n’est peut-être pas aussi décourageant qu’il peut sembler à premier vue.

Tout d’abord, il faut signaler la publication de deux documents importants susceptibles de changer la face de notre cinéma. Il s’agit, on l’aura deviné, du rapport Applebaum-Hébert. Le premier, québécois, a déjà inspiré un projet de loi dont devrait être saisi incessamment le Conseil des ministres. Quant au second, sur la politique culturelle du gouvernement fédéral, il fait tellement de bruit que tout Radio-Canada et tout l’ONF en tremblent depuis quelques semaines. Donc deux très bonnes raisons de vous procurer ces documents et de les étudier à fond si l’avenir du cinéma d’ici (et de la télévision) vous tient à cœur.

Si vous croyez que ces deux documents sortent de la cuisse de Jupiter, détrompez-vous! Ils ne sont que le dernier maillon d’une longue chaîne d’écrits destinés à sauver le cinéma d’ici de la crise permanente qui l’affecte. Le Québec est probablement après la France l’endroit en Occident où il se publie le plus de mémoires et de rapport gouvernementaux sur le cinéma. Si les deux briques ci-haut mentionnées n’ont pas ralenti vos ardeurs, voici un petit livre qui va faire de vous un érudit. Madeleine Fournier-Renaux et Pierre Véronneau ont fait œuvre utile pour les chercheurs en compilant les textes publiés sur le cinéma québécois. On a tellement écrit sur le sujet, mémoire après mémoire, qu’ils en arrivent sans trop d’efforts à remplir 180 pages de texte bien tassé. Ça s’intitule Écrits sur le cinéma. À ne pas confondre avec Propos sur les vues animées parus chez le même éditeur, la Cinémathèque québécoise Musée du cinéma. Il s’agit cette fois de 14 courts textes dûs à la plume de Georges Méliès présentés par André Gaudrault. Cette brochure accompagnait une récente rétrospective des films de ce pionnier du cinéma français à la Cinémathèque.

Visiblement, Ginette Major se fait du souci pour le cinéma québécois. Elle vient de publier Le cinéma québécois à la recherche d’un public, bilan d'une décennie (1970-1980). Au moyen d’un appareil de recherche à vrai dire un peu lourd, elle s’attarde à examiner dix films québécois des années 70 plus trois autres du début de la présente décennie. Plus que sa méthode (structuralo-sémantique) et mis à part le choix toujours subjectif des treize films, ce sont ses conclusions qui m’intéressent. Elle aboutit à des constantes qui expliquent, selon elle, le divorce croissant entre le public et les films québécois. Nos cinéastes, soutient-elle en substance, possèdent une vision déterministe et fataliste de la réalité québécoise. Il n’est donc pas étonnant qu’un cinéma axé sur l’échec (des individus, du couple, d’une société dans son ensemble) connaisse des échecs sur le plan commercial. Pire, selon les résultats de son étude, le cinéma d’ici se distinguerait par des traits distinctifs peu reluisants: marginalité, xénophobie, etc. Voilà pourquoi, dit-elle, notre cinéma est malade. Seule note d’espoir, elle estime qu’il « retrouvera son public perdu lorsqu’il cessera d’être le miroir complaisant d’une société avachie ». La balle est maintenant dans le camp des cinéastes…

Le chemin détourné

Claude Blouin pourrait difficilement être taxé de xénophobe. Depuis plusieurs années, il débarque régulièrement au Japon, curieux de mieux connaître ce peuple fascinant, avide de découvrir de nouveaux aspects de cette société. Très vite, le cinéma lui est apparu le moyen par excellence d’aborder ce pays. Dans Le Chemin détourné, il nous livre le fruit de ses découvertes. « Ce qui se dessinera, nous prévient l’auteur dans l’introduction, c’est une série d’images sur le Japon, réfléchies par un spectateur étranger mais à partir d’images que les Japonais sentirent le besoin de fabriquer pour leur propre usage. » Il parle des films qu’il a vus, s’interroge sur les thèmes et l’esthétique de ces films. Sa réflexion débouche sur un examen attentif des valeurs de la société japonaise telles qu’elles s’expriment par le biais du cinéma. Claude Blouin se projette corps et âme dans la réalité qu’il explore. D’où le ton fort personnel de son ouvrage. Même dans la dernière section portant spécifiquement sur Kobayashi, ses perceptions du cinéma japonais s’écartent des schèmes de pensée des exégètes traditionnels. On regretta peut-être les jugements à l’emporte-pièce des critiques pressés. Les siens, nuancés à l’extrême, méritent d’être médités.

Avec l’ancien distributeur de films Jean-Pierre Desmarais, d’origine alsacienne mais québécois d’adoption, on est embarqué de plain-pied non seulement dans la petite histoire de l’industrie du cinéma au Québec mais dans le monde du spectacle et jusque dans la politique. Conteur savoureux, M. Desmarais (qui est le contemporain de J.-A. de Sève, le fondateur du canal 10) a connu des succès comme distributeur grâce à des films qui ont su amadouer le public et flatter le clergé dans le bon sens du poil (notamment La Fille des marais sur Maria Goretti, celle qui a dit « non »). Mais il a également connu des avanies et goûté à la censure de Duplessis. Son récit de l’interdiction de Les Enfants du paradis vaut son pesant d’or. Voilà un bouquin sans prétention qui se lit avec intérêt.

Cet inventaire ne serait pas complet sans une mention de la publication chez Nouvelle Optique de la transcription des dialogues et des commentaires du film de Pierre Perrault, La Bête lumineuse. Les photographies qui illustrent l’ouvrage sont l’œuvre du caméraman Martin Leclerc.

LA BÊTE LUMINEUSE, par Pierre Perrault, Nouvelle optique, Montréal, 1982, 251 p. Prix: 16,95$

LE CHEMIN DÉTOURNÉ (Essai sur Kobayashi et le cinéma japonais) par Claude R. Blouin, Hurtubise HMH, coll. « Brèches », Montréal, 1982, 276 p. Prix: 14,95$

LE CINÉMA QUÉBÉCOIS À LA RECHERCHE D’UN REGARD par Ginette Major, Les Presses de L’Université de Montréal, Montréal, 1982, 166 p. Prix: 14,95$

LE CINÉMA: UNE QUESTION DE SURVIE ET D’EXCELLENCE (Rapport de la Commission d’étude sur le cinéma et l’audiovisuel), en collaboration, Direction de l’édition, Direction générale des publications gouvernementales, Ministère des Communications, Québec, 1982, 330 p. Prix: 13$.

ÉCRITS SUR LE CINÉMA (Bibliographie québécoise 1911-1981) par Madeleine Fournier-Renaud et Pierre Véronneau, Cinémathèque québécoise/Musée du cinéma, Montréal, 1982, 180 p. Prix: 10$

PROPOS SUR LES VUES ANIMÉES par Georges Méliès, Cinémathèque québécoise/Musée du cinéma, coll. « Les Dossiers de la Cinémathèque », Montréal, 1982, 68 p. Prix: 5$

RAPPORT DU COMITÉ D’ÉTUDE DE LA POLITIQUE CULTURELLE FÉDÉRALE, en collaboration, Direction de l’information, ministère des Communications, gouvernement du Canada, Ottawa, 1982, 392 p. Prix: 9,95$

RÉVÉLATIONS D’UN SURVENANT DU CINÉMA par Jean-Pierre Desmarais, Lumière, Montréal, 1982, 277 p. Prix: 9,95$

 

La Presse, vendredi 31 décembre 1982, p. C14 (voir PDF)
© La Presse, 1982

 

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