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Association québécoise des critiques de cinéma

Hommage à Luc Perreault : Nos 20 meilleurs films québécois

NOS 20 MEILLEURS FILMS QUÉBÉCOIS

par Luc PERREAULT et Marc-André LUSSIER



Photo : La Presse
 

Depuis un an ou deux, le cinéma québécois a le vent en poupe. Des records sont régulièrement battus, la part de marché ne cesse de croître, et, fait plutôt rare, plusieurs productions de chez nous reçoivent l’assentiment du public et de la critique à la fois. Il n’y a qu’à citer quelques titres récents pour s’en convaincre: Séraphin, un homme et son péché, Les Invasions barbares, La Grande Séduction, Gaz Bar Blues, La Face cachée de la Lune...

Pour faire écho à cette embellie qui, nous le souhaitons, perdurera, nos critiques Luc Perreault et Marc-André Lussier se sont amusés à établir la liste des 20 meilleurs films de fiction de l’histoire du cinéma québécois. Des choix subjectifs parfois surprenants, issus d’à peu près toutes les époques, qui évoquent quelques-uns des plus beaux souvenirs cinématographiques du Québec.

[NB : Les articles de Luc Perreault sont reproduits ci-dessous. Ceux de Marc-André Lussier peuvent être lus à partir du PDF ci-joint.]

2. LE DÉCLIN DE L’EMPIRE AMÉRICAIN
Denys Arcand, 1986

Un groupe d’intellectuels, quatre gars, quatre filles, profs d’université pour la plupart, se retrouvent autour d’un coulibiac dans un chalet des Cantons-de-l’Est pour discuter de cul et régler le sort du monde. Il y a 17 ans, ce film de Denys Arcand avait fait tout un tabac : 2,2 millions de box-office au Québec et 400 000 entrées en France seulement, en plus de rafler le Prix de la critique à Cannes. Grâce à des dialogues brillants, finement ciselés ou carrément paillards, Arcand arrivait à concilier intelligence et comédie, phénomène unique jusqu’alors au Québec. Lu récemment dans un journal français : « Si vous avez aimé la fin de l’empire soviétique, vous allez adorer la fin de l’empire américain », encore une façon de rendre hommage au titre du film. (L.P.)

3. LE CHAT DANS LE SAC
Gilles Groulx, 1964

En pleine Révolution tranquille, la phrase liminaire de Claude (Godbout), indépendantiste, héros torturé de ce film, dégageait une saveur prophétique: « Je suis Canadien français et je me cherche. » Aspirant journaliste, Claude entretient une liaison avec une jeune Juive anglophone, Barbara (Ulrich), étudiante à l’École nationale de théâtre. Lorsqu’il s’établit à Saint-Charles-sur-Richelieu, celle-ci lui reproche de fuir la réalité. En réalité, sous l’influence de Godard, Groulx — qui avait trouvé en Claude son alter ego — recherchait la distance critique nécessaire pour mieux comprendre la société québécoise. Synchrone avec le questionnement de son époque, son film n’a rien perdu de son pouvoir d’envoûtement, grâce notamment à la candeur de ses interprètes et à une trame musicale originale signée John Coltrane. (L.P.)

4. LES ORDRES
Michel Brault, 1974

Quatre ans après la crise d’Octobre, Michel Brault raconte l’arrestation de cinq victimes de la loi des mesures de guerre. Sobre, d’une facture imitant le documentaire, le film dénonçait sans pathos. Entouré d’Hélène Loiselle, Louise Forestier, Claude Gauthier et Guy Provost, Jean Lapointe y faisait montre de ses immenses talents de tragédien. L’écrivain anglais Anthony Burgess qui étaient alors membre du jury de Cannes a raconté dans le second tome de ses mémoires que le film de Brault aurait décroché la Palme d’or sans l’obstination de deux collègues français qu’il ne nomme pas mais qu’on présume être Gérard Ducaux-Rupp et Pierre Mazars. La Palme alla plutôt à Chronique des années de braise, Brault se contentant pour sa part d’un Prix de la mise en scène partagé avec Costa-Gavras (Section spéciale). (L.P.)

5. MON ONCLE ANTOINE
Claude Jutra, 1971

La campagne québécoise profonde des années 40. Dans un petit village minier, la veille de Noël, tandis que le propriétaire anglophone de la mine distribue des candies aux enfants, la mort frappe une maison de pauvres. Tiré d’un scénario de Clément Perron qui se souvenait de son enfance passée à Thetford Mines, ce film d’apprentissage décrit le passage de l’adolescence à l’âge adulte de Benoît (Jacques Gagnon). Sous l’influence de son oncle Antoine (Jean Duceppe), croque-mort et alcoolique, propriétaire du magasin général, et de l’homme engagé (Jutra lui-même), il découvre la vie, les femmes et la mort. Œuvre charmante, chef-d’œuvre d’écriture, ce film a longtemps été classé meilleur film canadien de tous les temps. (L.P.)

6. LA VRAIE NATURE DE BERNADETTE
Gilles Carle, 1972

À une époque où le Québec venait à peine de « sortir du bois », comme on le disait alors, voici Bernadette, héroïne dans le vent: citadine écolo désabusée de la ville, elle se réfugie dans un rang perdu en plein Québec rural. Son retour à la terre façon hippie s’accompagnera cependant d’une terrible désillusion: non, il n’y a pas que de l’air pur à la campagne. On y trouve aussi des profiteurs, des exploiteurs et même quelques vrais salauds. Comme en ville. En pleine maîtrise de ses moyens, Gilles Carle signe ici sans doute son meilleur film, celui du moins qui va asseoir pour longtemps sa réputation en Europe. Cette Bernadette (superbement défendue par une inconnue, Micheline Lanctôt) pourrait être parente de Viridiana. Volet médian d’une trilogie rurale (complétée par Les Mâles et La Mort d’un bûcheron), ce film instaure un équilibre heureux entre le conte truculent et la quête utopique. (L.P.)

10. À TOUT PRENDRE
Claude Jutra, 1963

Claude Jutra à ses débuts s’inspire fortement de la Nouvelle Vague dont il fréquente les meilleurs représentants, Truffaut et Rouch en tête. Raconté au je, À tout prendre fait figure de confession à nu, étonnamment courageuse en cette époque encore pudique. Claude (Jutra lui-même) a eu une liaison avec Johanne (Johanne Harelle qui tiendra un petit rôle dans La Dame en couleurs, son dernier film, après avoir partagé la vie du sociologue Edgar Morin). À travers leur relation déjà terminée, Jutra évoque l’existence d’un milieu intellectuel au début des années 60. Narcissique, égocentrique, le film vaut surtout par son style unique dans notre cinéma et aussi par l’aveu par Jutra de son homosexualité, sans parler de son « Québec libre » final. Dans une scène où il se jette à l’eau, on a vu une anticipation de sa propre fin. (L.P.)

11. LÉOLO
Jean-Claude Lauzon, 1992

Obsédé par la folie qui s’est emparée de toute sa famille à l’exception de sa mère (Ginette Reno), le jeune Léolo, 12 ans (Maxime Collin inoubliable dans ce rôle), croit trouver son salut dans le rêve. Il rêve qu’il est d’origine italienne et il se croit amoureux de la belle Bianca, sa voisine. Mais sa reconnaissance, il la trouvera auprès d’un « dompteur de vers » (Pierre Bourgault), le seul à discerner chez lui une aptitude pour l’écriture. Cette fable autobiographique, brillant condensé des obsessions de son auteur, révélait en Jean-Claude Lauzon l’immense cinéaste qu’il était devenu. Arrogant et prétentieux pour plusieurs, il avait fait la preuve avec Léolo de son aptitude à transmuter en poésie un quotidien rachitique. (L.P.)

15. KAMOURASKA
Claude Jutra, 1973

Un roman d’Anne Hébert aux horizons vastes comme le Saint-Laurent a fourni à Claude Jutra l’occasion d’entreprendre son œuvre la plus aboutie. Fresque à la Docteur Jivago, Kamouraska met en scène un certain Dr Nelson qui, vers 1870, s’amourache d’une jeune femme (Geneviève Bujold) élevée suivant les règles sévères de la bourgeoisie de l’époque. Devenue vieille, celle-ci se remémore cette aventure qui l’a profondément marquée. Charcuté à sa sortie, Kamouraska fut considéré comme un échec, devenant ainsi le film maudit québécois par excellence. On l’a depuis restauré dans le respect du montage original de son auteur. Avec le temps, cette épopée ambitieuse s’imposera, espérons-le, comme un grand classique du cinéma québécois. (L.P.)

16. LE RETOUR DE L’IMMACULÉE-CONCEPTION
André Forcier, 1971

Devenu avec le temps invisible — sauf à l’occasion, à la Cinémathèque — le premier long métrage d’André Forcier tourné pratiquement sans moyens pendant quatre ans durant les week-ends laissait déjà entrevoir un talent prometteur. Portrait d’une certaine jeunesse désabusée, d’un humour un peu potache, le film surprend aujourd’hui — tout comme Chroniques labradoriennes, le court métrage qui l’avait précédé — par sa liberté de ton absolument unique. Contemporain du Viol d’une jeune fille douce de Gilles Carle, il en partage la vedette, Julie Lachapelle. (L.P.)

19. J.A. MARTIN PHOTOGRAPHE
Jean Beaudin, 1976

Au début du siècle dernier, Joseph Albert Martin (Marcel Sabourin) gagne sa vie comme photographe ambulant. Sa voiture couverte d’une bâche et traînée par un cheval lui sert de moyen de locomotion. Sa femme, Rose-Aimée, en a marre d’être laissée toute seule à la maison. Un jour, elle s’embarque avec lui dans une tournée des villages québécois. Leur couple vacillant va tout à coup retrouver sa vigueur d’antan. Grâce à une remarquable direction photo (signée Pierre Mignot) basée sur les éclairages naturels mettant en valeur le clair-obscur — Stanley Kubrick venait de tourner Barry Lyndon — ce film frappe encore aujourd’hui par son esthétique soignée. Mais le moteur du film reste avant tout Monique Mercure dans le rôle de Rose-Aimée, dont l’interprétation allait lui valoir un Prix d’interprétation à Cannes. (L.P.)

 

La Presse, samedi 1er novembre 2003, Cahier cinéma p. 1-3 (voir le PDF)
© La Presse, 2003

 

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