Profiter du lieu de rencontre formidable qu’est le Festival Courts d’un soir, et participer au jury des séries courtes du Festival, c’est notamment saisir l’occasion d’échanger et de s’ouvrir, dans un cadre professionnel, à un format qui possède son identité distincte et qui vient avec son lot particulier de potentialités narratives et formelles. On se demande d’abord, en regardant certaines de ces propositions, pourquoi leurs auteurs ou autrices n’ont pas préféré faire un long métrage — la durée totale de plusieurs œuvres dépasse les 120 minutes —, mais la réponse ne se fait pas trop attendre : accessible et adaptée au contexte des médias numériques, la série courte révèle assez vite son aptitude naturelle à déployer progressivement une multiplicité de regards, de sujets et de réalités.
L’étonnement de Bertrand Usclat, humoriste français connu pour la minisérie Broute, face à la richesse de la programmation de cette édition du Festival, n’a d’ailleurs fait que mettre en évidence l’importance qu’a déjà prise au Québec la websérie, format jeune et dynamique qui se prête tant aux récits narratifs qu’aux capsules documentaires situées au croisement du divertissement et de l’éducation. En tant que reflets éloquents de sensibilités culturelles et comiques propres ainsi que d’approches variées des enjeux sociaux universels, les contrastes et les similarités entre productions locales et internationales donnent effectivement matière à réflexion; d’où l’avantage de jurys diversifiés, capables de transformer une séance de délibération en une confrontation enrichissante d’expériences et de points de vue sur l’état actuel du monde, de l’art et de la culture.
Il faut dire que, malgré ces différentes optiques, et malgré la générosité d’une programmation remplie de nouveaux noms et tournée vers l’avenir, nos prix ont été remis de manière quasi unanime. Trois choix s’imposaient. Dans la compétition nationale, le nostalgique 20 h 30 chez Mathieu de François Robidoux-Descary avait capté quelque chose de vital en représentant l’expérience du souvenir et du vieillissement de la génération qui a vécu son adolescence dans les années 2000. La série française Baltringue de Léa Rouaud et Justine Lossa avait, en seulement quatre épisodes, posé la base d’un concept gagnant — les argumentations intérieures d’une jeune femme face à des problématiques sous-explorées — avec un style haut en couleur et une pertinence indéniable. Enfin, le prix de la série courte étudiante ne pouvait être remis qu’à Haie d’honneur, collection de courts récits prometteurs qui s’inscrivent dans une démarche artistique proche des Misérables de Ladj Ly (2019), et réalisés par des disciples du cinéaste à l’École Kourtrajmé près de Paris.
Il y a de quoi regretter l’absence de documentaires à ce palmarès; défavorisés du fait de devoir être comparés à des œuvres de fiction, ils gagneraient à se voir attribuer une catégorie propre. Cela permettrait de mettre en valeur des séries comme Le resto d’après de Bruno Florin, exploration pénétrante de l’industrie de la restauration québécoise, de celles et ceux qui ont la folie d’y participer, de leurs sacrifices et de leurs transformations depuis la pandémie de COVID-19.